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Le petit violon de bois

Quatrième roman. Texte finalisé présenté à la manière d’un journal intime à la première personne.

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Un texte atypique dans mes écrits, que j’ai voulu à la fois amusant, tendre, émouvant et parfois violent.

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Bien entendu, seul le lecteur jugera si les moyens servent correctement l’intention.

De quoi ça parle ?

Un petit garçon, vivant dans un village de France durant l’occupation allemande. Il perçoit la situation dramatique de ses yeux d’enfant. Il fera la rencontre d’un soldat allemand avec qui il nouera une amitié impossible autour de la musique.

Morceau choisi

Le petit violon de bois            

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            Je ne le comprends pas, Heinrich ! Je suis allé le voir à quatorze heure à la scierie, et je lui ai offert son cadeau. Il l’a regardé longtemps, mais il n’avait pas l’air très content… Puis il a soupiré et il m’a demandé pourquoi je lui avais fait ce dessin. Moi je lui ai dit que c’était parce que c’était son anniversaire et que comme il était mon ami, c’était normal. Alors il a eu l’air un peu triste et puis un peu fâché. Il m’a dit qu’il ne fallait pas que je fasse confiance comme ça aux gens, qu’il ne fallait pas que j’oublie que lui était allemand et que moi j’étais français, qu’on était ennemis parce que c’était la guerre. Moi je lui ai répondu que c’était idiot, parce que, guerre ou pas guerre, il n’avait pas vraiment l’air d’être mon ennemi, et que je ne voyais pas pourquoi on ne pouvait pas être amis alors qu’il m’apprenait le violon, et qu’en plus c’était le seul grand qui faisait des choses avec moi, parce que tous les autres adultes ils ne voulaient que faire des trucs de grands…

 

           Alors il s’est assis à côté de moi, et il m’a dit qu’il ne fallait pas que je croie qu’il était quelqu’un de bien, qu’il avait fait tout un tas de trucs méchants que je ne savais pas, et qu’il n’était certainement pas aussi gentil que je le pensai… Je lui ai dit qu’il disait n’importe quoi parce que moi j’avais bien vu qu’il était gentil, parce que quelqu’un de méchant, il n’aurait jamais plongé dans l’eau glacée pour sauver mon copain et que si ça, ce n’était pas une preuve pour lui eh bien à moi ça me suffisait pour savoir ce que je savais. C’est bizarre parce que quand j’ai dit ça a eu l’air de lui faire plus plaisir que mon cadeau… Les adultes, ils pensent bizarrement des fois ! Moi, quand on me dit que je suis gentil, ça me fait plaisir, mais je préfère quand même avoir un beau cadeau. D’ailleurs, souvent je suis gentil pour avoir un beau cadeau…

 

            Puis, il s’est levé et a dit qu’on avait perdu assez de temps avec ces histoires d’anniversaire et qu’il voulait qu’on se mette à travailler mon morceau. Quand il m’a demandé si je m’étais exercé, je lui ai dit que je n’avais pas eu le temps cette semaine. Alors Heinrich, il s’est fâché pour de bon, et m’a crié que c’était inadmissible, que si je ne voulais pas apprendre il fallait que j’arrête de lui faire perdre son temps ! Il m’a fait tellement peur que je me suis mis à pleurer. Alors il a arrêté de crier et m’a dit de ne plus pleurer que ça ne servait à rien, que si je voulais vraiment faire du violon, je ferais mieux de le prendre et de commencer à jouer tout de suite avant qu’il n’ait plus la moindre envie de m’apprendre la musique ! J’ai senti qu’il fallait que je lui montre que j’étais un homme alors j’ai reniflé un bon coup, j’ai pris mon violon, et j’ai fait les premières notes. Ma main tremblait et les sons étaient bizarres, mais au moins je jouais et Heinrich s’est calmé…

 

            On a travaillé le morceau toute la journée et je crois que j’ai fait beaucoup de progrès même si ce n’est pas parfait. Lorsque je suis parti, Heinrich m’a appelé et alors je me suis retourné. Il m’a fait un sourire et un signe de la main et puis il m’a dit : « merci pour le dessin, gamin ». Et puis il m’a tourné le dos et est parti…

 

            À mon avis, ça lui a fait vraiment plaisir mon cadeau, mais seulement il fait un peu comme papa, Heinrich. Papa, il ne veut jamais qu’on lui dise qu’on l’aime devant quelqu’un d’autre sinon il se met dans des colères terribles. Heinrich c’est un peu pareil, si tu lui dis « je t’aime », il crie. Faut pas lui dire, je le sais maintenant. Les grands c’est quand même bête des fois…

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